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L'une vit au milieu de la Méditerranée, l'autre sur les rives de l'Atlantique. Ils ne se sont jamais vus mais écrivent à quatre mains et deux citrons givrés.

lunes, 5 de septiembre de 2011

24 : Depuis le Panorama de Berlin, Dagmar s’épanche à court terme !


Résumé du précédent épisode : A Zegg Joël se répand entre les seins géants de Zelda quand par hasard, ils tombent effarés sur une bande vidéo qui indique que Zegg a été créé par les services secrets de l’Allemagne de l’Est ! Léa n’est pas en reste à Barcelone où Alexandre son amant lui apprend que Greenpeace en Angleterre a frayé avec les farines animales dans les années 70. Dagmar dégagée de ces contingences ne pense qu’à s’éclater durant trois jours.

Dagmar étanchait sa soif d’amour en pestant contre Léa son échappée belle, dans un monologue opaque entre les bulles de sa cinquième Berliner Kindl[1].
-         Née un 13 août 1989 à quelques mois à peine avant la chute du Mur de Berlin, de parents qui naquirent morts de rire en 1961 au 15 de la Strasse Toleranz située à quelques mètres du Reichstag, l’année de l’érection de cette protection antifasciste selon le point de vue encore en rigueur dans la partie Est de ma tendre jeunesse. Je m’en lave les fesses ! Fi du lavage de cerveau de mon pater en odeur de sainteté avec le régime du faux cil et du marteau. Laisse béton, mec, où j’t’en fiche une !
Le zigue éconduit repartit la queue basse en pestant une injure dont la capitale berlinoise avait la saveur, du style : espèce de pute du Ku’damm, fourre toi du clacos jusqu’à l’os[2].
L’estomac barbouillé et les idées qui prenaient le large, Dagmar flageola jusqu’aux toilettes, tandis que toujours plus haut, le son d’un mix académique à rétamer un rat dans l’eau des égouts de Berlin abonné aux basses fréquences, vous tambourinait les tympans. C’était comme toujours cette enseigne à l’effigie d’une vulve géante qui, comme un aimant, avait attiré Dagmar au Panorama, un club branché. Clin d’œil à ses folles nuits d’antan, quant au détour d’un regard et d’une jupe ras le zonzon, elle avait croisé Léa qui s’envoyait en l’air dans un remix assourdissant sur les sons obsédants du dj pilleur des meilleurs ziziques des années 70. Ça avait collé aussitôt la trempette dans les toilettes entre les deux nanas. Un je ne sais quoi d’envergure à prendre le rut par le con et décharger le saint-frusquin de toute sa cargaison des mouillettes. 
On était le 13 août 2011, comment Léa avait-elle pu oublier l’anniversaire de leur rencontre ? Elle la savait avec un drôle de type louche qui se faisait appeler Alexandre, le bien heureux ! Pour une fois, elle accordait toute sa confiance à la force tranquille de Nils, le géant, pour qu’il lui rétame la bouille à coups de pognes et coups de lattes bien pensées en souvenir de sa virilité. Elle lui avait même demandé qu’il lui envoie fissa la photo de la tronche de l’autre pourri. Toujours aucune nouvelle ! Quant à Joël, il devait s’éclater à tous les sens du terme à Zegg. Elle s’en fichait, elle se fichait de tout. Elle était entrée le jeudi au club dans la ferme attention d’un ressortir sur les rotules le lundi soir, sans plus savoir dans cet univers entièrement bouché à quelle heure de quelle minute elle se situait. Une revanche en quelque sorte à la valeur qu’elle accordait à son futur proche, quand les cognes auraient mis la main sur elle et tous les autres activistes. Vivre en vase clos, vaste programme… Bien entendu, comment tenir le coup sans un quelconque remontant. Les chleuhs en parfaits hypocrites y connaissaient un rayon planque et tête en extase. Il suffisait de tremper son index dans la sauce, une mixture blanche, un remède de cheval qui prenait la place des clopes dans le paquet et ni vu ni connu l’embrouille. Cool l’ambiance !
C’était complètement dingue, comment les promoteurs de rêves de la société de consommation et les maffieux de l’ex bloc soviétique s’étaient appropriés les cités dortoirs complètement déglinguées, côté Est. Comment une centrale électrique désaffectée avait rempilé ses volts pour que le tout Berlin branché et même les touristes étrangers débarquant par charter, viennent se bouger le popotin à la santé du nouveau Berlin désaffecté de la vermine coco.
Déjà à 18 ans, elle s’était barrée de la casbah de ses vieux qui ressassaient le discours encore en vigueur contre les « contrebandiers » et autres « déserteurs » de la République démocratique d’Allemagne qui vendirent dans les années 60 leur force de travail à l’ère capitaliste yankee, alors que le pays avait besoin de tous ses bras pour redresser la barre et tenir la tête haute face au grand frère soviétique. 
Les alternatifs du Kreutzberg cosmopolite (à l’époque encore le quartier turc de Berlin), du moins ceux qui subsistaient, l’avaient accueillie dans un squat sans rechigner ni lui poser de questions, même si encore et toujours le Mur dans la tête pouvait encore signifier que les Ossi prenaient les Wessi pour des lanternes[3]. Retour à l’envoyeur, c’était de bonne guerre économique, après la chute du Mur, petit à petit, avec la flambée de prix, les proprios remirent la main basse sur leur magot des immeubles que les alternatifs avaient entièrement rénovés et s’empressèrent de les faire virer et les envoyer paitre à la périphérie des quartiers situés à l’Est. Les bobos friqués vinrent s’encanailler à Kreutzberg qui avait perdu presque définitivement son franc-parler politique en actes.  
Auparavant et durant l’existence du Mur, plusieurs générations avaient senti le filon. Sacré aubaine pour créer une vaste utopie dans une ville en vase clos où les mâles en état de se battre pour la patrie ou ne serait-ce que porter l’uniforme échapperaient au dogme guerrier et seraient suspendus de cette corvée. Les universités avaient créé les fruits de l’effervescence. Quand, comme de bien entendu, dans les années 1968, Berlin la rebelle s’enflamma. Simple coïncidence ou correspondance des genres avec la naissance des activistes politiques du groupe Baader / Meinhof ? Les sus dénommés terroristes par la sociale démocratie totalement dépitée qu’on lui vole la vedette. La RDA sœur ennemie pigea immédiatement les ressorts qu’elle pouvait tirer de cette agitation politique. En sous-main et arme vengeur, elle accorda l’asile et même l’anonymat sous une nouvelle identité pour certains activistes de l’autre rive qui ne se montraient pas trop réticents à un lavage de cerveau. La chute du Mur représenta aussi une chute libre pour les ex activistes de l’Ouest qui s’étaient planqués à l’Est. Dénonciations et remise à jour des fichiers de recherche des terroristes par les services secrets de la chasse aux sorcières des années 70, tout un programme bien rodé !
Toute une génération née avec la chute du Mur et de grands parents nazis, marquée par cette époque charnière abdiqua et consentit à se mouler  dans la société de consommation et un certain confort matériel complètement artificiel. Tandis que Dagmar et une minorité s’engageaient dans les mouvements alternatifs et anti-nucléaires en lisant Baader et Meinhof.

S’écroulant dans les toilettes devant la défaite de sa pensée en égard de sa si courte existence, Dagmar but la tasse et se vida de son trop plein de haine envers l’homme qui lui avait volé son amour fou.
-         Je te tuerai, je te tuerai et te ferai bouffer tes rognons aux petits oignons !
C’est alors qu’une frangine la pris dans ses bras pour la réconforter. Elle avait les seins légers et un doux goût d’anis entre les cuisses. Ce que ne savait pas encore Dagmar, c’est que la donzelle apitoyée n’était pas à côté de la plaque mais en service commandé pour lui soutirer des informations. Sa survie à elle représentait une question cruciale. Comme si en échos, on entendait encore les cris dans les cachots des opposants au régime. Une certaine réminiscence des nostalgiques de la Stasi[4] en sursis, en quelque sorte ! ?  




[1] L’une des deux plus fameuses bières de Berlin qui se décline en brune ou en blonde.
[2] Référence à la grande artère de Berlin Ouest du grand bazar commercial où on trouvait tous les produits du monde dont le célèbre camembert, alors qu’à l’Est les bananes faisaient fureur. C’est resté dans les humeurs.
[3] Ossi ex habitants de l’Allemagne de l’Est et Wessi, allemands de l’Ouest
[4] Ex police politique Est allemande

viernes, 12 de agosto de 2011

23. Archéologie alternative

Résumé du précédent épisode : Dans le train vers Berlin, Joël et Dagmar croisent un membre actif du collectif des artistes russes de Voïna. Dagmar est évasive. Quant à Joël, il est conquis. Arrivés à Berlin, Dagmar lui fausse compagnie. Joël doit se rendre seul à Zegg…


« Joeeel ! Mais ton nom est un cri de joie qui illumine le monde entier ! »
Le rédac’chef tenta de cerner le sujet de ses bras maigrichons mais Zelda, poétesse tchèque, l’un des plus vieux piliers de Zegg, s’échappa une fois de plus, mue par une féline agilité qui ne semblait compatible avec ses formes opulentes. Ses yeux brillaient, ses seins frémissaient dans son décolleté.
-         Prune maligne
Mes yeux te déshabillent
Ma bouche supplie ton eau    
Implore ton don sans conditions
J’intégrerais ta substance
Lentement je te dévorerais…
-         Zelda ! Ma Safo !
-         Ouiiii ! J’adore les femmes autant que les hommes !
-         Attends-moi, chérie, je viens…
La poétesse tchèque s’enfuyait, toujours hors de portée, pour instantanément revenir le provoquer. Elle s’accrocha à la balustrade en faisant saillir ses fesses splendides. Son chemisier remonta le long de son échine, découvrant une moulure art déco tatouée au creux de ses reins. Zelda semblait cracher du feu lorsqu’elle chantait le grand air de la Traviata en s’enfuyant aux étages supérieurs. Joël se sentait perdu et désirait se perdre plus encore dans ce labyrinthe de la communauté Zegg où elle l’entraînait.
-         Comprends-moi, je me charge de vérifier tes connaissances et aptitudes pour l’amour libre ! Peux-tu éviter tout sentiment de possession ?
-         Mais ma petite demoiselle de Prague, j’ai étudié, qu’est-ce que tu crois ? Viens donc par ici voir dans ma culotte, j’y ai tous mes diplômes !
-         Rattrape-moi, escargot ! Et sais-tu que les gastéropodes ont tout pour me séduire ? Car ils sont hermaphrodites, les chéris ! Hihihi !
-         Attends-moi, mon cœur, je te démontrerais que je suis une lesbienne patentée…
C’était dans un grenier que se jouerait le jeu. Zelda tournoyait sur elle-même, s’enroulant dans les toiles d’araignée qui formaient des étoles. Elle trébucha sur une cassette vidéo et s’écroula sur une caisse d’où sortit beaucoup de poussière et quelques autres cassettes vidéo hors d’âge. Joël s’apprêtait à sauter sur l’appétissante tchèque mais au dernier moment, l’intitulé d’une cassette vidéo attira son attention : « Réunion Wolf-Momo automne 87  Projet ZEGG».
-         Dis-moi très chère, ne sommes-nous pas en train d’essayer de faire l’amour dans la mémoire de Zegg ?
-         Viens, espèce de fou ! Tu m’exciiiiiiites !
-         Range tes phérormones deux secondes… Faut que tu me trouves un magnétoscope en état de lire cette vidéo de toute urgence…
-         … Tu es au paradis de la récupération, l’ex-Allemagne de l’Est… Viens dans ma piaule, mon magnétoscope PAL se défend pour son âge… Et je peux même te faire une copie à DVD…
-         Je suis fou d’amour pour toi, Zelda. Allons-y tout de suite…
Finalement, c’était encore plus horrible que ce Joël avait imaginé. Même Zelda, qui vivait à Zegg depuis 35 ans, proposa de quitter les lieux au plus tôt. Markus Wolf, le chef des services secrets de l’Allemagne de l’Est, avait choisi Zegg, la communauté de l’amour libre, comme base d’un réseau mondial d’espions spécialisés dans le sexe en tant qu’outil politique. Tout au long du film, il en discutait avec un certain Momo, ancien de mai 68 viré soviet qui semblait au fait des réseaux alternatifs français et allemands. Ce dernier affirmait que dans les orgies se retrouvaient tant les partisans de l’amour libre que d’anciens militants « tout un potentiel de propagande » que l’on pouvait « utiliser pour des buts plus élevés ». Les deux compères faisaient l’inventaire des magouilles de coercition sexuelles qu’il était possible d’employer afin que les politiciens prennent le juste chemin.  « Sans compter les éventuelles rentrées d’argent… » ajouta Momo avec un clin d’œil graveleux insupportable.

Joël et Zelda, terrassés par la révélation, infortunés spectateurs découvrant leur clan trahi et traître, n’osaient plus se toucher, tant l’amour avait pris une connotation infecte. Le magnétoscope disjoncta de lui-même, sans doute écœuré, après que Markus Wolf eut expliqué avec clarté comment discréditer les « militants trop remuants, comme les anti-nucléaire » par « des tactiques de mouillage en eaux troubles », comme par exemple envoyer des filles Zegg sur les sit-in anti-nuke.
-         On est toujours un peu manipulés, non ? risqua Zelda dans le silence qui s’était installé
Elle saisit la main de Joël et la tint serrée dans la sienne, entre ses seins. Joël pensa tout d’abord à se dégager puis la chaleur convaincante de Zelda le gagna et, pour la première fois de sa vie, il s’effondra en larmes. Les seins de Zelda exhalaient un parfum qui les rendait douces. La poétesse tchèque chantonna dans sa langue rocailleuse puis :
-         Joël, je crois que tu es arrivé ici juste à temps. Il faut laver Zegg de sa propre histoire. Parce que le concept Zegg est beau, et qu’il reste beau même si un fou sanguinaire cherche à se l’approprier.
-         C’est vrai que ce n’est pas parce qu’Hitler a créé les autoroutes ou la berline familiale qu’on a arrêté de voyager…
-         T’as du pain sur la planche, mon coco… Va falloir démonter tous les péages mis en place par ce salaud de Markus Wolf… Tu connais des gens qui peuvent nous aider ?
-         C’est la cuadrature du cercle, ma chérie… Je viens juste de rencontrer un groupe d’activistes russes. Ils se nomment Voïna…
-         D’anciens soviets, tu veux dire ? Ce serait parfait pour démonter le travail fait pour leurs ancêtres !
-         L’Utopie n’est pas morte, ma Zelda !

Alexandre, de son côté, tentait de faire entendre le même genre de raison à Léa, mais elle était tout aussi rétive que Joël.
-         Je te dis que les Verts et Greenpeace ont permis l’abaissement des températures des farines carnés, regarde les heures de la Chambre des Lords, c’est écrit noir sur blanc pour l’année 1977.
-         Et pourquoi ils auraient fait ça ?
-         Est-ce que je sais, moi ? Peut-être cru ont-ils que les farines carnées données en pâture à des herbivores étaient une forme de recyclage ? Peut-être désiraient-ils ne pas être jugés comme de dangereux communistes pour leur premier mandat d’élus ? Peut-être Margaret Tatcher leur a-t-elle promis des poubelles recyclables ?  Peut-être y a-t’on mis le prix ?
-         Tout a un prix, merci, je sais. Il se trouve que je paye le tarif plein pot et que donc je n’accepte pas qu’un traître me donne des leçons à la noix en disant du mal de mes amis.
-         Ta gueule, poupée d’amour, je crois qu’on a de la visite…

Léa, furieuse, balaya d’un grand geste théâtral le rideau cramoisi de l’hôtel, dévoilant ainsi l’étrange panorama de la rue Arc du Théâtre. C’était comme une impasse qui donnait sur les Ramblas, où l’on voyait encore des graffitis sur les murs et où les vieux pervers venaient encore pisser en mémoire des glorieuses putains qui s’y aggloméraient en des temps plus folkoriques. Un touriste européen du Nord, blond, de haute stature, prenait des photos de la pierre ou arrêtait les passants pour leur poser des questions. Il semblait chercher quelque chose. Lorsque Léa parvint à scanner son déguisement, ses pupilles se dilatèrent. Alexander, qui la rejoignit à ce moment-là, l’étreignit de façon à ce qu’elle ne puisse ignorer l’excitation qui le reprenait. Sa main poilue alla fourrager sous la robe de Léa, tandis qu’Alexander la maintenait plaquée contre la vitre. Le pouls de Léa s’accéléra. La seule pensée qu’on puisse la voir en situation délicate la faisait frémir. Alexander profita sans vergogne de cet état de fait, introduisant ses doigts préalablement sucés dans l’intimité de Léa. Lorsque Nils passa tout à côté sans les voir, l’orgasme la bouleversa alors qu’Alexander la bâillonnait. Après il fuma une de ces cigarettes russes à filtre doré. Alors qu’il la passait à Léa, encore étourdie :
-         Qui c’est ce pédé ?
-         Je peux t’assurer qu’il n’est pas seulement pédé…
Alexander tira sur sa cigarette sans le moindre commentaire. Léa se refusa à imaginer une rencontre de ces deux hommes. Puis brusquement, comme par hasard, elle ne put s’empêcher de penser à Dagmar. Que serait-il advenu de sa tendre amazone ?

jueves, 4 de agosto de 2011

22. Guerre et paix, Voïna et tout le tralala…

Résumé du précédent épisode : finalement Léa a le maffieux dans la peau qui lui ramone tous ses désirs. Il cherche même à passer une alliance avec les activistes sous l’oreiller ! Joël et Dagmar partent en train à Zegg tandis que Nils ratisse tout Barcelone pour retrouver Léa.

Presque à sec, le fric s’était volatilisé avec Léa et les bonnes résolutions de révolutions. Couper court au souffle de l’autre escogriffe encravaté qui devait avoir mis la main sur la plus rebelle des journalistes qui lui fut donné de rencontrer, Nils devait s’en charger. Joël s’était laissé pousser la barbe, c’était plus prudent. Quant aux cheveux c’était déjà trop tard, les dernières mèches intactes jouaient la voltige au-dessus de son crâne dégarni ! Comme il le craignait, le groupe s’était scindé et était donc devenu plus vulnérable. En levant les yeux et croisant le regard noir de sa voisine, il sourit à l’aspect jeune bourgeoise tombée du nid. Il cilla sur le décolleté saillant du tailleur. La métamorphose de Dagmar était saisissante. Sa perruque rousse éclaboussait ses taches de rousseur. On aurait dit un couple disproportionné par l’âge ou un patron en phase de harcèlement ou encore un père emmenant sa fille en voyage. Elle n’avait pas ouvert la bouche depuis leur départ de la gare de Barcelona. Les écouteurs à ses oreilles, elle se timbrait les tympans aux sons déchirés du premier album de Nina Hagen.
Joël entreprit la lecture studieuse d’une biographie d’Einstein, son héros contrasté. « Je ne me considère pas comme le père de l’énergie atomique » Ça commençait bien ! Tu charries Albert….
Un homme ouvrit la porte du compartiment. Il portait un uniforme de flic d’un pays de l’Est avec une croix en or qui cintrait ses décorations héroïques, la moustache assortie. Il parlait haut et fort dans une langue gutturale, le téléphone portable barré de la faucille et du marteau porté à l’oreille. Léa sortit de sa léthargie et pointa de l’escarpin une cheville de Joël qui faillit verser son gros volume par-dessus bord et dégainer un bienvenue assorti d’une bastos bien à propos. C’est dingue ce que Dagmar pouvait receler de trésors entre ses obus, une armada ! Elle avait déjà légèrement déboutonné sa veste quand l’homme éclata d’un rire tonitruant en allemand à l’attention de la jeune femme.
-                     Mademoiselle, vous êtes la recrue rêvée aux idéaux radicaux que je chevauche comme un cheval fou. Je me présente : Oleg ressortissant russe en rupture de ban, membre imminent de Voïna[1] qui signifie la guerre en Russe. Nous sommes un groupe radical. Nous rugissons aux impostures des chimères consuméristes du capitalisme finissant. « Nous sommes entrés en guerre contre les loups garous en uniforme, l’obscurantisme politique et social pour la liberté de l’art contemporain ».Le pénis est l’organe le mieux compris des services secrets. Jetez un œil sur nos œuvres.
Dagmar bouda au zizi de 62 mètres de haut intitulé : « La bite prisonnière du FSB[2] qui avait fière allure et dressait sa fougue à Saint-Pétersbourg. Il avait été pris en photo sur le pont-levis en face des bureaux des successeurs du KGB. Sauf qu’en ce qui la concernait, ces attributs ne relevaient pas de son sens de l’humour.
L’homme comprit sa méprise.
-                     A moins que vous ne préfériez l’art du retournement de voitures de police avec ses occupants flics à l’intérieur complètement bourrés, histoire de dénoncer la corruption du régime. Je peux même vous traduire la légende en russe au dos de l’image. Voiture renversée à l’entrée du Musée russe, installation artistique pour demander la réforme au ministère de l’Intérieur.
Dagmar grimaçait de sa plus belle dentition, replongeant au plus profond de ses esgourdes profondes se coulant avec la voix de Nina. En revanche, Joël paru très intéressé par ce nouvel art démonstratif.
-                     Nous savons donner de notre personne et nous connaissons déjà les cachots ! « On s’est retrouvé en prison parce que le gouvernement russe est devenu fou. Il est tombé dans la xénophobie et l’obscurantisme. Il a violé les droits de l’homme et des libertés afin de voler tranquillement les pétrodollars du peuple. Les vrais extrémistes ce n’est pas nous mais eux. L’artiste a pour mission de s’opposer. S’en prendre à la police, c’est attaquer leur toute puissance. En Russie, la population a trop peur de l’autorité ».
Joël hochait la tête à toutes ces affirmations soutenues par les photos des happenings du groupe. Les deux hommes fraternisèrent et échangèrent un cri de ralliement prochain.

Arrivés à Berlin, sa seconde peau qu’elle connaissait comme les moindres recoins de son string en cuir, Dagmar sema Joël avec complaisance. Il planait déjà au-dessus de la Baal-Babylone européenne un soupçon de vent brûlant qui vous retournait les sens. Joël imagina le jeune Einstein voguant toutes voiles dehors à bord de son frêle voilier vers sa théorie de la relativité. L’Alex[3], si cher à Alfred Döblin le médecin écrivain dans la verve d’un Céline, sema sa zone dans l’esprit en vadrouille de Joël. Le message de Dagmar qu’il reçut en écho finit par l’achever.
-         Mon papi chéri, on se retrouve dans trois jours. J’ai un besoin express de décompresser et baiser. Je te recontacterai.
A Barcelone, un autre homme nageait dans la mélasse. Nils avait encore une piste à creuser, la dernière pour retrouver Léa saine et sauve !








[2] Services secrets russes
[3] La Place Alexanderplatz symbolisait le centre-ville lors de l’épopée de l’Allemagne de l’Est et était aussi la gare de transit pour les touristes en goguette avant la chute du Mur. Elle donna le titre du fameux roman  « Berlin Alexanderplatz » de Döblin qui fut  adapté au cinéma avec maestro par Rainer Werner Fassbinder.

jueves, 28 de julio de 2011

21. Parfum phérormonesParfum phérormones

21. Résumé du précédent épisode : Léa en discussion avec le mystérieux inconnu cravaté en ressort assez déstabilisée. Une décision capitale entre les activistes doit être prise à son sujet.  Il en va de leur survie !

Léa repoussa les draps, qui douloureusement frôlèrent ses tétons enflés, et prit sa tête entre ses mains. Elle haletait encore. Une main d’homme manucurée jaillit hors des draps et pinça délicatement mais fermement le téton gorgé de désir. Léa geignit sans dégager sa tête.
-                     Mes amis disent que tu es extrêmement dangereux.
-                     Ils n’ont pas tout à fait tort.
-                     Mais enfin tu te rends compte de que tu me forces à les trahir ?
-                     J’en suis flatté au plus haut point. Amène ton cul par ici, j’ai encore envie de te sauter.
-                     Arrête tes enfantillages, ils ont envisagé de te tuer.
-                     Mais d’abord tu me fais une pipe comme tu sais si bien le faire avec ta grande bouche de salope. Allez, hop, plus de discussion, au boulot.

De nombreuses heures passèrent encore, dans la chambre d’hôtel qui donnait sur les Ramblas. Alexander l’avait tringlée accrochée au balcon, il lui avait ensuite abondamment léché le minou, la porte grande ouverte sur le personnel de nettoyage au demeurant au préalable copieusement arrosé. Léa l’attacha au lit pour le dévorer avant de s’empaler sur lui, ce qui dura des heures, comme s’il était sous perfusion de Viagra. Ils grognaient, bavaient, s’affrontaient et recommençaient. Quand l’aube commença à rosir le port de Barcelone, la boîte de préservatifs roses était épuisée et ils étaient étendus tous les deux, côte à côte, la main dans la main. Alexander avait une voix un peu rocailleuse, qui remuait Léa au bas-ventre, en dépit d’elle-même.
-                     Ma famille est de Sarajevo. C’est là-bas qui m’a fait ce que je suis. Tu sais ce que nous avons en commun ?
-                     Pas grand-chose.
-                     Nous ne jouirions pas aussi fort.
-                     Tais-toi sale macho ou je te refais une pipe.
-                     On est tous les deux addicts au danger, à braver tous les interdits, à nous foutre de nos tabous, à faire ce qui bon ou mal nous semble.
-                     C’est pas pour les mêmes raisons !
-                     Mêmes causes, mêmes effets, chérie. Nous avons la nécessité du même exutoire : le sexe, sans commentaires oiseux. Pour la pipe, je suis partant.

Il n’y avait pas moyen que ça s’arrête. Parfois, en plein milieu d’une acrobatie, Léa tentait de penser à Dagmar, mais jamais elle n’arrivait à se concentrer suffisamment longtemps. C’était affolant tout de même mais surtout délicieux et, dans la vie d’une activiste en état de recherche et capture, il n’y a pas tant d’occasions que ça de s’amuser.

Tout avait commencé pourtant de manière assez formelle. L’homme aux lunettes noires avait donné rendez-vous à Léa pour la première livraison du remboursement de la dette dans le magnifique hall art déco de l’hôtel Fonda España. Elle était arrivée un peu en retard, avec sa mallette de backgammon pleine d’euros flambant neufs et ses talons aiguille, entre pute et touriste nordique, comme l’homme aux lunettes noires l’avait exigé.  Elle a jeté le jeu sur sa table. Il l’attendait avec deux martinis dry et leur olive, tout juste servis, comme s’il avait su très précisément à quelle heure elle ferait son entrée. Elle le trouva très énervant, avec ses grands airs. Il entrouvrit le jeu de backgammon afin d’en vérifier le contenu. Satisfait, il se recula sur sa chaise et observa Léa, qui boudait, furieuse.
-                     Je vois qu’on devient enfin raisonnable…
-                     Bien sur, sous la menace…
-                     Prenez votre Dry Martini, ce barman est un génie du shaker.
-                     … Il en manque un peu… Nous avons eu des frais…
-                     Bien entendu. N’oubliez jamais que nous sommes du même bord… Nous aussi sommes anti-système et pro-démocratie. Les dictatures sont toujours très jalouses des associations de notre genre…
-                     Oui, mais vous manipulez et ne pensez qu’à la corruption.
-                     Parce que vous et vos copains n’êtes pas forcés par nos adversaires, le système légalo-capitaliste, de faire de même ? Laissez-moi rire. Une vraie bagarre laisse toujours des traces de sueur sur le corps de l’autre… Nous avons pourtant des intérêts communs… Nous pourrions joindre nos forces au lieu de nous affronter…
-                     Et dans quel but ? Provoquer un krach boursier à Kalua Lumpur ou une révolution à Manille ?
-                     Nous laissons ces choses-là aux amateurs. Mais puisqu’on parle d’Asie, savez-vous qu’il existe une centrale nucléaire abandonnée aux Philippines ? Le dictateur Marcos voulait l’indépendance énergétique pour son archipel, ainsi que la possibilité de faire de bonnes affaires avec l’Afrique de l’Est ou l’Iran, par le commerce des sous-produits. La centrale a été construite à Bataan et chargée, mais jamais activée. A présent les philippins songent à la transformer en attraction touristique, car ils n’ont plus le budget pour correctement entretenir le monstre? A votre avis, combien de temps avant le prochain tremblement de terre aux Philippines, combien de temps avant que les intégristes musulmans philippins mettent la patte sur ce trésor de plutonium non activé ? 

Non loin de là, dans le bar La Vaca, les amis de Léa, passablement confus, s’étaient réunis. Dagmar désirait partir au plus vite pour Zegg, la chaleur l’étouffait à Barcelona.
-                     Tu ne vas tout de même pas laisser tomber ton grand amour ?
-                     C’est peut-être elle qui m’a laissée tomber !
-                     C’est vrai que c’est étrange qu’elle ait voulu retourner seule à Can Más Deu…
-                     … et qu’elle n’y soit jamais arrivée, dixit Jordi ! Bordel, je la connais, la garce !
-                     Moi, en tous cas, je reste et j’attends Léa. Et reste polie avec elle, Dagmar ! Toi et Joël vous partez à Zegg, où vous préparerez le terrain en vue de notre arrivée… En train, c’est plus sûr. Toi, Joël tu seras un universitaire en communication qui voyage avec sa nièce assistante, Dagmar.