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L'une vit au milieu de la Méditerranée, l'autre sur les rives de l'Atlantique. Ils ne se sont jamais vus mais écrivent à quatre mains et deux citrons givrés.

viernes, 12 de agosto de 2011

23. Archéologie alternative

Résumé du précédent épisode : Dans le train vers Berlin, Joël et Dagmar croisent un membre actif du collectif des artistes russes de Voïna. Dagmar est évasive. Quant à Joël, il est conquis. Arrivés à Berlin, Dagmar lui fausse compagnie. Joël doit se rendre seul à Zegg…


« Joeeel ! Mais ton nom est un cri de joie qui illumine le monde entier ! »
Le rédac’chef tenta de cerner le sujet de ses bras maigrichons mais Zelda, poétesse tchèque, l’un des plus vieux piliers de Zegg, s’échappa une fois de plus, mue par une féline agilité qui ne semblait compatible avec ses formes opulentes. Ses yeux brillaient, ses seins frémissaient dans son décolleté.
-         Prune maligne
Mes yeux te déshabillent
Ma bouche supplie ton eau    
Implore ton don sans conditions
J’intégrerais ta substance
Lentement je te dévorerais…
-         Zelda ! Ma Safo !
-         Ouiiii ! J’adore les femmes autant que les hommes !
-         Attends-moi, chérie, je viens…
La poétesse tchèque s’enfuyait, toujours hors de portée, pour instantanément revenir le provoquer. Elle s’accrocha à la balustrade en faisant saillir ses fesses splendides. Son chemisier remonta le long de son échine, découvrant une moulure art déco tatouée au creux de ses reins. Zelda semblait cracher du feu lorsqu’elle chantait le grand air de la Traviata en s’enfuyant aux étages supérieurs. Joël se sentait perdu et désirait se perdre plus encore dans ce labyrinthe de la communauté Zegg où elle l’entraînait.
-         Comprends-moi, je me charge de vérifier tes connaissances et aptitudes pour l’amour libre ! Peux-tu éviter tout sentiment de possession ?
-         Mais ma petite demoiselle de Prague, j’ai étudié, qu’est-ce que tu crois ? Viens donc par ici voir dans ma culotte, j’y ai tous mes diplômes !
-         Rattrape-moi, escargot ! Et sais-tu que les gastéropodes ont tout pour me séduire ? Car ils sont hermaphrodites, les chéris ! Hihihi !
-         Attends-moi, mon cœur, je te démontrerais que je suis une lesbienne patentée…
C’était dans un grenier que se jouerait le jeu. Zelda tournoyait sur elle-même, s’enroulant dans les toiles d’araignée qui formaient des étoles. Elle trébucha sur une cassette vidéo et s’écroula sur une caisse d’où sortit beaucoup de poussière et quelques autres cassettes vidéo hors d’âge. Joël s’apprêtait à sauter sur l’appétissante tchèque mais au dernier moment, l’intitulé d’une cassette vidéo attira son attention : « Réunion Wolf-Momo automne 87  Projet ZEGG».
-         Dis-moi très chère, ne sommes-nous pas en train d’essayer de faire l’amour dans la mémoire de Zegg ?
-         Viens, espèce de fou ! Tu m’exciiiiiiites !
-         Range tes phérormones deux secondes… Faut que tu me trouves un magnétoscope en état de lire cette vidéo de toute urgence…
-         … Tu es au paradis de la récupération, l’ex-Allemagne de l’Est… Viens dans ma piaule, mon magnétoscope PAL se défend pour son âge… Et je peux même te faire une copie à DVD…
-         Je suis fou d’amour pour toi, Zelda. Allons-y tout de suite…
Finalement, c’était encore plus horrible que ce Joël avait imaginé. Même Zelda, qui vivait à Zegg depuis 35 ans, proposa de quitter les lieux au plus tôt. Markus Wolf, le chef des services secrets de l’Allemagne de l’Est, avait choisi Zegg, la communauté de l’amour libre, comme base d’un réseau mondial d’espions spécialisés dans le sexe en tant qu’outil politique. Tout au long du film, il en discutait avec un certain Momo, ancien de mai 68 viré soviet qui semblait au fait des réseaux alternatifs français et allemands. Ce dernier affirmait que dans les orgies se retrouvaient tant les partisans de l’amour libre que d’anciens militants « tout un potentiel de propagande » que l’on pouvait « utiliser pour des buts plus élevés ». Les deux compères faisaient l’inventaire des magouilles de coercition sexuelles qu’il était possible d’employer afin que les politiciens prennent le juste chemin.  « Sans compter les éventuelles rentrées d’argent… » ajouta Momo avec un clin d’œil graveleux insupportable.

Joël et Zelda, terrassés par la révélation, infortunés spectateurs découvrant leur clan trahi et traître, n’osaient plus se toucher, tant l’amour avait pris une connotation infecte. Le magnétoscope disjoncta de lui-même, sans doute écœuré, après que Markus Wolf eut expliqué avec clarté comment discréditer les « militants trop remuants, comme les anti-nucléaire » par « des tactiques de mouillage en eaux troubles », comme par exemple envoyer des filles Zegg sur les sit-in anti-nuke.
-         On est toujours un peu manipulés, non ? risqua Zelda dans le silence qui s’était installé
Elle saisit la main de Joël et la tint serrée dans la sienne, entre ses seins. Joël pensa tout d’abord à se dégager puis la chaleur convaincante de Zelda le gagna et, pour la première fois de sa vie, il s’effondra en larmes. Les seins de Zelda exhalaient un parfum qui les rendait douces. La poétesse tchèque chantonna dans sa langue rocailleuse puis :
-         Joël, je crois que tu es arrivé ici juste à temps. Il faut laver Zegg de sa propre histoire. Parce que le concept Zegg est beau, et qu’il reste beau même si un fou sanguinaire cherche à se l’approprier.
-         C’est vrai que ce n’est pas parce qu’Hitler a créé les autoroutes ou la berline familiale qu’on a arrêté de voyager…
-         T’as du pain sur la planche, mon coco… Va falloir démonter tous les péages mis en place par ce salaud de Markus Wolf… Tu connais des gens qui peuvent nous aider ?
-         C’est la cuadrature du cercle, ma chérie… Je viens juste de rencontrer un groupe d’activistes russes. Ils se nomment Voïna…
-         D’anciens soviets, tu veux dire ? Ce serait parfait pour démonter le travail fait pour leurs ancêtres !
-         L’Utopie n’est pas morte, ma Zelda !

Alexandre, de son côté, tentait de faire entendre le même genre de raison à Léa, mais elle était tout aussi rétive que Joël.
-         Je te dis que les Verts et Greenpeace ont permis l’abaissement des températures des farines carnés, regarde les heures de la Chambre des Lords, c’est écrit noir sur blanc pour l’année 1977.
-         Et pourquoi ils auraient fait ça ?
-         Est-ce que je sais, moi ? Peut-être cru ont-ils que les farines carnées données en pâture à des herbivores étaient une forme de recyclage ? Peut-être désiraient-ils ne pas être jugés comme de dangereux communistes pour leur premier mandat d’élus ? Peut-être Margaret Tatcher leur a-t-elle promis des poubelles recyclables ?  Peut-être y a-t’on mis le prix ?
-         Tout a un prix, merci, je sais. Il se trouve que je paye le tarif plein pot et que donc je n’accepte pas qu’un traître me donne des leçons à la noix en disant du mal de mes amis.
-         Ta gueule, poupée d’amour, je crois qu’on a de la visite…

Léa, furieuse, balaya d’un grand geste théâtral le rideau cramoisi de l’hôtel, dévoilant ainsi l’étrange panorama de la rue Arc du Théâtre. C’était comme une impasse qui donnait sur les Ramblas, où l’on voyait encore des graffitis sur les murs et où les vieux pervers venaient encore pisser en mémoire des glorieuses putains qui s’y aggloméraient en des temps plus folkoriques. Un touriste européen du Nord, blond, de haute stature, prenait des photos de la pierre ou arrêtait les passants pour leur poser des questions. Il semblait chercher quelque chose. Lorsque Léa parvint à scanner son déguisement, ses pupilles se dilatèrent. Alexander, qui la rejoignit à ce moment-là, l’étreignit de façon à ce qu’elle ne puisse ignorer l’excitation qui le reprenait. Sa main poilue alla fourrager sous la robe de Léa, tandis qu’Alexander la maintenait plaquée contre la vitre. Le pouls de Léa s’accéléra. La seule pensée qu’on puisse la voir en situation délicate la faisait frémir. Alexander profita sans vergogne de cet état de fait, introduisant ses doigts préalablement sucés dans l’intimité de Léa. Lorsque Nils passa tout à côté sans les voir, l’orgasme la bouleversa alors qu’Alexander la bâillonnait. Après il fuma une de ces cigarettes russes à filtre doré. Alors qu’il la passait à Léa, encore étourdie :
-         Qui c’est ce pédé ?
-         Je peux t’assurer qu’il n’est pas seulement pédé…
Alexander tira sur sa cigarette sans le moindre commentaire. Léa se refusa à imaginer une rencontre de ces deux hommes. Puis brusquement, comme par hasard, elle ne put s’empêcher de penser à Dagmar. Que serait-il advenu de sa tendre amazone ?

jueves, 4 de agosto de 2011

22. Guerre et paix, Voïna et tout le tralala…

Résumé du précédent épisode : finalement Léa a le maffieux dans la peau qui lui ramone tous ses désirs. Il cherche même à passer une alliance avec les activistes sous l’oreiller ! Joël et Dagmar partent en train à Zegg tandis que Nils ratisse tout Barcelone pour retrouver Léa.

Presque à sec, le fric s’était volatilisé avec Léa et les bonnes résolutions de révolutions. Couper court au souffle de l’autre escogriffe encravaté qui devait avoir mis la main sur la plus rebelle des journalistes qui lui fut donné de rencontrer, Nils devait s’en charger. Joël s’était laissé pousser la barbe, c’était plus prudent. Quant aux cheveux c’était déjà trop tard, les dernières mèches intactes jouaient la voltige au-dessus de son crâne dégarni ! Comme il le craignait, le groupe s’était scindé et était donc devenu plus vulnérable. En levant les yeux et croisant le regard noir de sa voisine, il sourit à l’aspect jeune bourgeoise tombée du nid. Il cilla sur le décolleté saillant du tailleur. La métamorphose de Dagmar était saisissante. Sa perruque rousse éclaboussait ses taches de rousseur. On aurait dit un couple disproportionné par l’âge ou un patron en phase de harcèlement ou encore un père emmenant sa fille en voyage. Elle n’avait pas ouvert la bouche depuis leur départ de la gare de Barcelona. Les écouteurs à ses oreilles, elle se timbrait les tympans aux sons déchirés du premier album de Nina Hagen.
Joël entreprit la lecture studieuse d’une biographie d’Einstein, son héros contrasté. « Je ne me considère pas comme le père de l’énergie atomique » Ça commençait bien ! Tu charries Albert….
Un homme ouvrit la porte du compartiment. Il portait un uniforme de flic d’un pays de l’Est avec une croix en or qui cintrait ses décorations héroïques, la moustache assortie. Il parlait haut et fort dans une langue gutturale, le téléphone portable barré de la faucille et du marteau porté à l’oreille. Léa sortit de sa léthargie et pointa de l’escarpin une cheville de Joël qui faillit verser son gros volume par-dessus bord et dégainer un bienvenue assorti d’une bastos bien à propos. C’est dingue ce que Dagmar pouvait receler de trésors entre ses obus, une armada ! Elle avait déjà légèrement déboutonné sa veste quand l’homme éclata d’un rire tonitruant en allemand à l’attention de la jeune femme.
-                     Mademoiselle, vous êtes la recrue rêvée aux idéaux radicaux que je chevauche comme un cheval fou. Je me présente : Oleg ressortissant russe en rupture de ban, membre imminent de Voïna[1] qui signifie la guerre en Russe. Nous sommes un groupe radical. Nous rugissons aux impostures des chimères consuméristes du capitalisme finissant. « Nous sommes entrés en guerre contre les loups garous en uniforme, l’obscurantisme politique et social pour la liberté de l’art contemporain ».Le pénis est l’organe le mieux compris des services secrets. Jetez un œil sur nos œuvres.
Dagmar bouda au zizi de 62 mètres de haut intitulé : « La bite prisonnière du FSB[2] qui avait fière allure et dressait sa fougue à Saint-Pétersbourg. Il avait été pris en photo sur le pont-levis en face des bureaux des successeurs du KGB. Sauf qu’en ce qui la concernait, ces attributs ne relevaient pas de son sens de l’humour.
L’homme comprit sa méprise.
-                     A moins que vous ne préfériez l’art du retournement de voitures de police avec ses occupants flics à l’intérieur complètement bourrés, histoire de dénoncer la corruption du régime. Je peux même vous traduire la légende en russe au dos de l’image. Voiture renversée à l’entrée du Musée russe, installation artistique pour demander la réforme au ministère de l’Intérieur.
Dagmar grimaçait de sa plus belle dentition, replongeant au plus profond de ses esgourdes profondes se coulant avec la voix de Nina. En revanche, Joël paru très intéressé par ce nouvel art démonstratif.
-                     Nous savons donner de notre personne et nous connaissons déjà les cachots ! « On s’est retrouvé en prison parce que le gouvernement russe est devenu fou. Il est tombé dans la xénophobie et l’obscurantisme. Il a violé les droits de l’homme et des libertés afin de voler tranquillement les pétrodollars du peuple. Les vrais extrémistes ce n’est pas nous mais eux. L’artiste a pour mission de s’opposer. S’en prendre à la police, c’est attaquer leur toute puissance. En Russie, la population a trop peur de l’autorité ».
Joël hochait la tête à toutes ces affirmations soutenues par les photos des happenings du groupe. Les deux hommes fraternisèrent et échangèrent un cri de ralliement prochain.

Arrivés à Berlin, sa seconde peau qu’elle connaissait comme les moindres recoins de son string en cuir, Dagmar sema Joël avec complaisance. Il planait déjà au-dessus de la Baal-Babylone européenne un soupçon de vent brûlant qui vous retournait les sens. Joël imagina le jeune Einstein voguant toutes voiles dehors à bord de son frêle voilier vers sa théorie de la relativité. L’Alex[3], si cher à Alfred Döblin le médecin écrivain dans la verve d’un Céline, sema sa zone dans l’esprit en vadrouille de Joël. Le message de Dagmar qu’il reçut en écho finit par l’achever.
-         Mon papi chéri, on se retrouve dans trois jours. J’ai un besoin express de décompresser et baiser. Je te recontacterai.
A Barcelone, un autre homme nageait dans la mélasse. Nils avait encore une piste à creuser, la dernière pour retrouver Léa saine et sauve !








[2] Services secrets russes
[3] La Place Alexanderplatz symbolisait le centre-ville lors de l’épopée de l’Allemagne de l’Est et était aussi la gare de transit pour les touristes en goguette avant la chute du Mur. Elle donna le titre du fameux roman  « Berlin Alexanderplatz » de Döblin qui fut  adapté au cinéma avec maestro par Rainer Werner Fassbinder.